
Contrairement à l’idée d’une simple ville industrielle, l’exception culturelle de Montbéliard s’explique par une seule et même racine : sa matrice germanique et protestante. Pendant près de quatre siècles, son appartenance au duché de Wurtemberg a forgé une enclave singulière en terre francophone, une identité dont les traces sont encore lisibles aujourd’hui dans l’architecture, la mentalité et le paysage urbain, bien au-delà des clichés.
En arpentant les rues de Montbéliard, le visiteur familier de la Franche-Comté ressent un léger décalage, une atmosphère différente. L’architecture semble moins latine, les couleurs plus austères, l’organisation de la ville paraît répondre à une autre logique. Spontanément, on pense à l’aventure industrielle Peugeot qui a marqué le paysage et les esprits, ou aux saveurs de sa célèbre saucisse. Certains évoqueront la magie de son marché de Noël, réputé dans toute l’Europe. Si ces éléments sont bien réels, ils ne sont que les branches les plus visibles d’un arbre aux racines bien plus profondes et singulières.
L’erreur serait de juxtaposer ces faits comme une simple collection de particularités. Car la véritable clé de compréhension n’est pas dans le « quoi », mais dans le « pourquoi ». Et si la véritable clé pour déchiffrer l’âme montbéliardaise ne se trouvait pas dans son présent industriel, mais dans son passé de principauté ? La réponse est bien là : dans une histoire de près de 400 ans qui a arrimé ce territoire non pas au Royaume de France, mais à un duché germanique, le Wurtemberg.
Cette longue parenthèse historique a tout changé. Elle a importé une religion, le protestantisme luthérien, qui a sculpté les mentalités et l’urbanisme. Elle a attiré des architectes qui ont redessiné la ville selon des codes venus d’outre-Rhin. Elle a forgé une éthique du travail qui allait, des siècles plus tard, servir de terreau à une révolution industrielle sans précédent. Cet article vous propose un voyage dans le temps pour comprendre comment cet « ADN wurtembergeois » explique point par point pourquoi Montbéliard est, et restera, une fascinante exception en terre comtoise.
Pour décrypter cette identité unique, nous allons explorer ensemble les différentes facettes de cet héritage. De l’urbanisme protestant aux secrets du château, en passant par les origines de l’empire Peugeot, ce parcours vous donnera les clés pour lire la ville et comprendre sa différence fondamentale.
Sommaire : Décrypter l’exception culturelle montbéliardaise
- Pourquoi le protestantisme a-t-il façonné l’urbanisme de Montbéliard ?
- Comment parcourir le sentier Heinrich Schickhardt sans manquer les détails clés ?
- Noël ou Été : quand visiter Montbéliard pour apprécier son architecture ?
- L’erreur d’associer Montbéliard uniquement à la saucisse et au marché de Noël
- Quelles salles du Château des Ducs visiter en priorité si on a peu de temps ?
- Pourquoi Montbéliard a-t-elle appartenu à une famille allemande pendant 4 siècles ?
- Pourquoi l’aventure Peugeot a-t-elle commencé par des moulins à café dans le Doubs ?
- Comment l’histoire de la Cité des Princes explique-t-elle l’identité actuelle de la ville ?
Pourquoi le protestantisme a-t-il façonné l’urbanisme de Montbéliard ?
Pour comprendre l’urbanisme de Montbéliard, il faut d’abord comprendre sa rupture religieuse. En choisissant la Réforme luthérienne au XVIe siècle, la principauté s’est non seulement coupée de la Franche-Comté catholique environnante, mais elle a aussi adopté une nouvelle vision du monde qui s’est inscrite dans la pierre. Le cœur de la cité catholique est la cathédrale, verticale, ornée, écrasante. Le cœur de la cité protestante, lui, est le temple : un lieu de rassemblement pour la communauté, centré sur l’écoute de la Parole. L’architecture se fait alors plus sobre, plus fonctionnelle, mais non moins impressionnante.
L’exemple le plus magistral est le Temple Saint-Martin. Construit entre 1601 et 1607, il est le plus ancien édifice de France spécifiquement conçu pour le culte protestant et encore en usage. Loin des flèches gothiques, il s’inspire de la Renaissance italienne et de l’architecture civile. Sa forme de « halle » rectangulaire, sans transept ni chœur différencié, est pensée pour que tous les fidèles puissent voir et entendre le pasteur. Ses dimensions, impressionnantes avec 37 mètres sur 16, témoignent de la volonté d’accueillir une communauté nombreuse et unie. Ce n’est pas un lieu pour inspirer la crainte de Dieu, mais pour rassembler les Hommes.
Cet urbanisme est l’œuvre d’un homme clé : l’architecte Heinrich Schickhardt, envoyé par les ducs de Wurtemberg. Il a transposé à Montbéliard les principes de la cité idéale de la Renaissance, mêlant rationalité et humanisme. Au-delà du temple, il a conçu un collège universitaire, des ponts, et même une machine hydraulique, organisant la ville de manière rationnelle. L’Association de rénovation du Temple Saint-Martin le qualifie à juste titre d’œuvre la plus réussie de celui qu’on surnommait le « Léonard de Vinci souabe ». Ainsi, chaque bâtiment public de cette époque raconte l’histoire d’une ville qui se pensait comme un phare de la modernité et de la foi réformée.
Comment parcourir le sentier Heinrich Schickhardt sans manquer les détails clés ?
Le sentier urbain Heinrich Schickhardt n’est pas une simple promenade touristique ; c’est une véritable leçon d’architecture à ciel ouvert. Pour en saisir toute la richesse, il ne suffit pas de suivre les panneaux. Il faut apprendre à regarder, à décrypter les façades et à comprendre la vision d’un architecte qui a littéralement sculpté l’identité de la ville au tournant du XVIIe siècle. Le défi est de taille, car de nombreuses œuvres ont été détruites, mais les vestiges suffisent à raconter cette histoire unique.
L’œil non averti pourrait passer à côté de l’essentiel. La clé est de se concentrer sur les détails qui trahissent l’influence de la Renaissance germanique et italienne. Observez l’ordre colossal toscan du Temple Saint-Martin, ces colonnes massives qui courent sur toute la hauteur de la façade, un emprunt direct à l’architecture du Cinquecento italien. Cherchez les frontons, les volutes, les jeux de symétrie qui rompent avec la verticalité gothique des églises comtoises traditionnelles. C’est dans ces détails que l’on perçoit la modernité et l’ambition du prince Frédéric de Wurtemberg, qui voulait faire de sa principauté un modèle intellectuel et architectural.

Comme le révèle cette image, la richesse se cache dans la texture de la pierre, dans la finesse des sculptures et dans l’harmonie des proportions. Chaque élément, même altéré par le temps, témoigne d’un projet cohérent. Pour ne rien manquer, une approche méthodique est nécessaire. Il faut se munir du plan du parcours et prendre le temps de lire non seulement les panneaux, mais aussi les bâtiments eux-mêmes.
Votre feuille de route pour décrypter l’œuvre de Schickhardt
- Préparation : Récupérez la documentation complète du circuit à l’office de tourisme (1 rue Mouhot) pour avoir le contexte historique de chaque étape.
- Le chef-d’œuvre : Attardez-vous devant le Temple Saint-Martin et identifiez les éléments de l’architecture italienne (ordre colossal toscan, sobriété des lignes).
- Le savoir : Face au collège universitaire, imaginez sa fonction originelle inspirée du prestigieux Collegium illustre de Tübingen, un centre de formation pour l’élite protestante.
- L’ingéniosité : Repérez les vestiges de la machine hydraulique (1595) près du château, et comprenez comment elle symbolisait la maîtrise technique et la modernité de la principauté.
- L’accueil : Devant le Temple Saint-Georges, pensez aux réfugiés huguenots français pour qui ce second temple fut construit, marquant le rôle de Montbéliard comme terre d’asile protestante.
Noël ou Été : quand visiter Montbéliard pour apprécier son architecture ?
Le visiteur qui souhaite découvrir Montbéliard se heurte à un dilemme charmant : faut-il venir pour la féerie des « Lumières de Noël » ou privilégier la quiétude d’une visite estivale ? La réponse dépend entièrement de ce que l’on vient chercher. Les deux saisons offrent des visages de la ville si différents qu’elles pourraient presque être deux destinations distinctes. Choisir, c’est décider si l’on préfère l’ambiance ou l’analyse, la foule joyeuse ou la contemplation silencieuse.
La période de l’Avent transforme Montbéliard en un conte de fées germanique. Ses « Lumières de Noël » sont un spectacle à part entière, dont la réputation n’est plus à faire. Une étude récente a montré que l’édition 2024 a attiré plus de 550 000 visiteurs, un chiffre colossal qui témoigne de son attractivité. L’ambiance est unique, chaleureuse, empreinte de traditions wurtembergeoises. Cependant, cette magie a un prix pour l’amateur d’architecture : les 160 chalets du marché, aussi charmants soient-ils, masquent inévitablement les soubassements des bâtiments et les perspectives des rues. L’attention est captée par les illuminations, le vin chaud et l’artisanat, reléguant le patrimoine bâti au rang de décor.
À l’inverse, l’été offre une tout autre expérience. La ville, libérée de ses atours de fête, se révèle dans sa pureté architecturale. C’est à cette période que le parcours Schickhardt prend tout son sens. Les façades sont entièrement visibles, la lumière rasante du matin ou du soir sculpte les détails des pierres et l’on peut prendre le temps, sans la pression de la foule, d’apprécier la cohérence urbanistique de la vieille ville. C’est le moment idéal pour une visite érudite, pour comprendre les volumes, les alignements et l’histoire que racontent les murs. Le tableau suivant synthétise les avantages et inconvénients de chaque saison pour vous aider à faire votre choix.
| Critère | Période de Noël | Été |
|---|---|---|
| Affluence | Très élevée (plus de 550 000 visiteurs) | Modérée |
| Ambiance | Féerique avec illuminations | Calme et contemplative |
| Visibilité architecture | Partiellement masquée par les chalets | Dégagée et optimale |
| Hébergement | Occupation très élevée (pics à 95%) | Disponibilité normale |
| Animation culturelle | Marché, concerts, patinoire | Visites guidées, festivals ponctuels |
L’erreur d’associer Montbéliard uniquement à la saucisse et au marché de Noël
Réduire Montbéliard à sa célèbre saucisse et à son marché de Noël, aussi exceptionnels soient-ils, serait comme ne voir de Paris que la Tour Eiffel. C’est passer à côté de l’essentiel. Ces emblèmes sont des portes d’entrée, des symboles forts qui attirent le visiteur, mais ils ne sont que la partie émergée d’un iceberg culturel beaucoup plus riche et complexe. L’erreur est de s’arrêter à ces clichés sans chercher à comprendre ce qu’ils racontent de l’histoire et de l’identité profonde de la ville. Le marché de Noël, par exemple, n’est pas une simple animation commerciale ; c’est l’héritage direct des traditions de l’Avent germaniques, importées par la cour wurtembergeoise.
La fierté des Montbéliardais pour leur marché est immense et justifiée. Comme le soulignait la maire Marie-Noëlle Biguinet suite à un classement européen : « c’est quand même un classement de référence » qui incite ceux qui ne sont pas encore venus à découvrir la ville. Mais cette découverte ne doit pas s’arrêter aux allées du marché. L’âme de Montbéliard se niche aussi dans des savoir-faire et des traditions plus discrets, qui témoignent d’une culture matérielle unique.

Le véritable trésor se trouve dans le patrimoine conservé dans les musées, comme celui de l’Hôtel Beurnier-Rossel. C’est là que l’on découvre la singularité du Pays de Montbéliard, bien au-delà de la gastronomie. L’identité locale s’y déploie à travers des objets qui racontent une histoire sociale et artistique.
Étude de cas : Les trésors cachés du Musée d’Art et d’Histoire
Loin des foules du marché de Noël, le Musée d’Art et d’Histoire Beurnier-Rossel offre une plongée dans l’intimité culturelle du Pays de Montbéliard. On y découvre des savoir-faire remarquables qui définissent l’identité locale : les imposantes armoires montbéliardaises, reconnaissables à leur corniche et leurs sculptures ; les fameuses coiffes, les « câles à diairis », qui signaient le statut social des femmes protestantes ; ou encore la « verquelure », ce tissu de chanvre ou de lin à carreaux typique de la région. Le musée expose aussi l’imagerie populaire de l’imprimerie Deckherr et la délicate collection de boîtes à musique de la manufacture L’Épée, illustrant une tradition d’artisanat de précision qui préfigure l’aventure industrielle.
Quelles salles du Château des Ducs visiter en priorité si on a peu de temps ?
Le Château des Ducs de Wurtemberg domine la ville, non seulement par sa position géographique, mais aussi par son importance historique. C’est le cœur battant de la principauté, le lieu où le pouvoir s’est exercé pendant des siècles. Le visiter, c’est remonter le fil du temps. Mais sa richesse est telle qu’une visite exhaustive peut être longue. Si votre temps est compté, il est crucial de se concentrer sur les espaces qui vous livreront l’essentiel de l’histoire montbéliardaise en un minimum de temps. Une visite ciblée en 30 à 45 minutes est tout à fait possible.
La priorité absolue est de comprendre la double nature du lieu : une forteresse médiévale transformée en résidence princière de la Renaissance. Ne vous contentez pas d’admirer les remparts. Votre parcours doit vous permettre de saisir comment les comtes de Montbéliard, puis les ducs de Wurtemberg, ont adapté ce bastion défensif pour en faire un lieu de vie et de pouvoir, reflétant leur statut. C’est cette transformation qui raconte le passage d’une époque à une autre. La possession de la ville par cette famille allemande a duré près de 400 ans (1397-1793), une période durant laquelle le château fut le symbole de cette enclave germanique en terre francophone.
Pour optimiser votre visite, suivez un circuit logique qui vous mènera de l’histoire générale aux collections spécifiques. Voici les étapes incontournables pour un parcours express mais riche de sens :
- Comprendre le lieu : Commencez par la cour intérieure pour apprécier les différentes époques de construction. Repérez les deux tours massives (la Tour Henriette et la Tour Frédéric), vestiges médiévaux, et le Logis des Princes, plus tardif et résidentiel.
- Saisir le mode de vie : Dirigez-vous vers le Logis des Princes pour vous imprégner de l’atmosphère d’une résidence ducale. C’est ici que l’on comprend le mieux le quotidien de la famille de Wurtemberg.
- Prendre de la hauteur : Montez à la Tour Henriette. L’effort est récompensé par un panorama exceptionnel sur la vieille-ville, le Temple Saint-Martin et les faubourgs. C’est le meilleur endroit pour visualiser l’urbanisme façonné par Schickhardt.
- Explorer les collections : À l’intérieur, privilégiez la Galerie Cuvier, dédiée au célèbre naturaliste né à Montbéliard, qui illustre le rayonnement scientifique de la ville. Un coup d’œil au département d’art contemporain, avec les œuvres de Jean Messagier, montrera que l’histoire du château se poursuit aujourd’hui.
Pourquoi Montbéliard a-t-elle appartenu à une famille allemande pendant 4 siècles ?
L’histoire de Montbéliard bascule à l’aube du XVe siècle, non pas par une guerre ou une conquête, mais par un mariage. C’est un événement dynastique, comme il y en eut tant au Moyen Âge, qui va sceller pour 400 ans le destin de ce territoire et le séparer de celui de la Franche-Comté voisine. En 1397, la jeune comtesse Henriette d’Orbe, héritière du comté de Montbéliard, épouse Eberhard IV, comte de Wurtemberg, un puissant duché du Saint-Empire romain germanique. Ce mariage n’est pas anodin : il fait entrer Montbéliard dans l’orbite d’une des plus influentes familles allemandes.
À la mort d’Henriette, le comté passe définitivement entre les mains de la maison de Wurtemberg. Dès lors, le lien avec le monde francophone se distend. Montbéliard devient une principauté germanique et francophone, une anomalie géopolitique. Son seigneur est un prince allemand, sa politique est dictée depuis Stuttgart, et sa destinée est liée à celle de l’Empire.
En 1407, la comtesse en titre épousa Eberhard IV, comte de Wurtemberg. Dès lors, le Comte de Montbéliard sera le Comte de Wurtemberg, ou son cadet. Désormais, on parle plus fréquemment de Principauté de Montbéliard que de Comté.
– Article historique, Franchement Comtois – Histoire de la Principauté
Cette appartenance a une conséquence majeure au siècle suivant, lors de la Réforme. Tandis que la Franche-Comté, possession des très catholiques Habsbourg d’Espagne, devient un bastion de la Contre-Réforme, les ducs de Wurtemberg, eux, adoptent avec ferveur le luthéranisme. Par la règle « cujus regio, ejus religio » (tel prince, telle religion), ils imposent la nouvelle foi à Montbéliard dès 1524. La principauté devient alors une enclave protestante, une petite « Genève luthérienne » entourée par un océan de catholicisme. Cette rupture religieuse, plus encore que la rupture politique, va creuser un fossé culturel durable avec le reste de la Comté et forger l’identité si particulière de Montbéliard.
Pourquoi l’aventure Peugeot a-t-elle commencé par des moulins à café dans le Doubs ?
L’épopée industrielle de Peugeot, aujourd’hui synonyme d’automobile, ne commence pas avec des voitures, mais avec des objets du quotidien : des scies, des ressorts d’horlogerie, et surtout, des moulins à café. Pour comprendre ce point de départ modeste, il faut revenir à l’ADN de la région : le protestantisme et ses valeurs. L’éthique protestante, théorisée plus tard par Max Weber, valorise le travail, l’épargne, la rigueur et l’investissement. Elle encourage à faire fructifier les talents donnés par Dieu ici-bas. C’est dans ce terreau culturel que des familles comme les Peugeot et les Japy vont puiser leur énergie entrepreneuriale.
Au XVIIIe siècle, la famille Peugeot, d’obédience protestante, exploite des moulins à grains dans la région. Ils sont des notables locaux, intégrés dans un réseau de familles réformées qui partagent les mêmes valeurs et s’entraident. Ils observent, innovent et transforment leurs moulins à eau pour actionner non plus des meules, mais des forges et des laminoirs. C’est la première étape de la diversification. Ils se lancent dans la transformation de l’acier, une compétence qui deviendra la marque de fabrique de l’entreprise. Le moulin à café, avec son mécanisme de précision en acier, devient l’un de leurs produits phares, symbole de qualité et de durabilité.
La conquête de Montbéliard par la France en 1793 va paradoxalement accélérer leur essor. L’annexion supprime les barrières douanières avec le grand marché français et instaure la liberté d’entreprise, mettant fin au système des corporations. Pour des entrepreneurs comme les Peugeot, c’est une libération. Comme le souligne un article sur cette période, le rattachement « donne un second souffle » et permet aux « ambitions des entrepreneurs » d’éclater au grand jour. Libérés du carcan de la petite principauté, ils peuvent enfin déployer leur savoir-faire à grande échelle, passant des moulins à café aux crinolines, puis aux bicyclettes et enfin, à l’automobile. L’aventure Peugeot n’est donc pas née par hasard dans le Doubs ; elle est le fruit d’une mentalité forgée par l’histoire religieuse et d’une opportunité saisie lors d’un basculement politique.
À retenir
- L’identité de Montbéliard est le fruit de près de 4 siècles d’appartenance au duché allemand de Wurtemberg (1397-1793).
- Cette histoire a imposé le protestantisme luthérien, façonnant une architecture et une culture distinctes de la Franche-Comté catholique.
- L’essor industriel (Peugeot, Japy) est une conséquence directe de cette mentalité protestante et de la libération économique après le rattachement à la France.
Comment l’histoire de la Cité des Princes explique-t-elle l’identité actuelle de la ville ?
Au terme de ce parcours, il apparaît clairement que l’identité actuelle de Montbéliard est un palimpseste, une succession de couches historiques où le passé wurtembergeois transparaît à chaque instant. Loin d’être une simple anecdote, l’histoire de la « Cité des Princes » est la matrice qui explique les grandes facettes de la ville aujourd’hui. Chaque particularité contemporaine trouve sa source dans cette longue parenthèse germanique et protestante.
Le succès phénoménal de son marché de Noël, aujourd’hui classé comme le troisième plus grand de France, n’est que la manifestation touristique et moderne des traditions de l’Avent héritées de l’Allemagne luthérienne. De même, la puissance industrielle, incarnée par Peugeot, est l’aboutissement d’une éthique du travail et de l’innovation profondément ancrée dans la culture protestante, qui a trouvé un terrain d’expression idéal après le rattachement à la France.
Le rattachement à la France donne un second souffle avec la suppression du corset douanier, l’affirmation du principe de la libre entreprise et la suppression des corporations ; les ambitions des entrepreneurs sont libérées et des familles comme Japy et Peugeot peuvent faire entrer la région dans l’ère de la révolution industrielle.
– Article historique, Clés pour l’histoire
Même l’urbanisme et l’architecture, de la rigueur du Temple Saint-Martin aux détails renaissance des hôtels particuliers, racontent cette histoire d’une enclave qui regardait vers l’est. Comprendre Montbéliard, c’est donc accepter cette double culture. C’est une ville française qui pense et respire encore avec un rythme hérité de son passé germanique. C’est là toute sa richesse et sa complexité : une exception culturelle qui ne demande qu’à être explorée, bien au-delà des clichés.
La meilleure façon de comprendre cette singularité est encore de venir la constater par vous-même. Prenez le temps de flâner dans ses rues, de visiter son château et ses temples, et de laisser l’histoire vous raconter pourquoi Montbéliard est si fièrement, et si profondément, différente.