Publié le 12 avril 2024

Contrairement à l’idée reçue, la Citadelle de Besançon n’est pas classée au patrimoine mondial de l’UNESCO simplement pour être une œuvre de Vauban. Sa valeur universelle exceptionnelle ne réside pas dans l’application d’un plan géométrique parfait, mais dans le génie magistral de son adaptation à un terrain hostile. C’est la manière dont Vauban a sculpté la forteresse à même l’éperon rocheux, transformant une contrainte topographique en un système défensif absolu, qui la distingue de toutes les autres fortifications.

Lorsqu’on évoque le nom de Vauban, l’image d’une forteresse en étoile, aux lignes géométriques parfaites et à la puissance dissuasive, vient immédiatement à l’esprit. Pourtant, parmi les douze sites majeurs de son œuvre inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, la Citadelle de Besançon occupe une place à part. La question se pose alors avec acuité pour le visiteur curieux : pourquoi elle ? Pourquoi ce site, dominant la boucle du Doubs, a-t-il été jugé d’une « valeur universelle exceptionnelle » alors que tant d’autres forts, en France et en Europe, semblent partager une filiation similaire ? La réponse est bien plus subtile qu’une simple question de taille ou de conservation.

Le classement de la Citadelle ne célèbre pas seulement le génie militaire de l’ingénieur de Louis XIV, mais surtout son génie d’adaptation. Loin d’être un modèle théorique plaqué sur un terrain, la forteresse bisontine est le fruit d’un dialogue intense entre la pierre et le rocher, entre la stratégie militaire et les contraintes d’un relief escarpé. C’est ce qui fait sa singularité et son exemplarité. Avec un nombre de 291 970 visiteurs en 2024, son attractivité témoigne de cette fascination durable. Cet article se propose de décortiquer les critères et les détails architecturaux qui font de la Citadelle non pas « un fort de Vauban », mais « LE fort » où l’adaptation au site atteint son paroxysme.

Pour comprendre cette spécificité, nous allons analyser en détail son système défensif, la comparer à d’autres créations emblématiques, explorer les secrets de sa construction et lire son héritage dans le paysage actuel. Ce parcours vous donnera les clés pour regarder la Citadelle avec un œil nouveau, celui d’un expert capable de déceler le génie dans chaque pierre.

Comment le système de bastions protège-t-il réellement la ville en 1600 ?

Le système bastionné, perfectionné par Vauban, est une révolution stratégique. Son objectif n’est pas seulement de présenter un mur épais à l’ennemi, mais d’éliminer tout angle mort. La forme polygonale des bastions, ces ouvrages en pointe de flèche, permet un flanquement réciproque. Chaque face d’un bastion est couverte par le feu provenant du bastion voisin. Un assaillant se présentant devant la courtine (le mur reliant deux bastions) se retrouve ainsi pris sous des tirs croisés, rendant toute approche frontale suicidaire. La hauteur des murailles de la Citadelle, combinée à ce système, crée une zone de mort infranchissable pour l’infanterie de l’époque.

À Besançon, Vauban ne se contente pas d’appliquer la théorie. Il l’adapte à la topographie. La Citadelle s’étire sur plus de 11 hectares, formant une barrière naturelle et artificielle. Elle est composée de trois fronts bastionnés successifs : le front Saint-Étienne, le front Royal et le front de Secours. Cette défense en profondeur oblige un éventuel attaquant à mener trois sièges successifs, une perspective épuisante en ressources et en hommes. L’étagement des défenses, suivant la pente du mont, permettait également de superposer les lignes de tir, créant une densité de feu redoutable.

Étude de cas : Le siège de 1674, preuve par le feu

L’efficacité de ce système défensif, avant même sa finalisation par Vauban, a été démontrée lors du siège de 1674. Alors que la ville est encore sous domination espagnole, les troupes de Louis XIV, commandées par Vauban lui-même, mettent 27 jours d’efforts acharnés pour faire capituler la garnison. Cette expérience du terrain a permis à Vauban de peaufiner son projet et de rendre la place, une fois française, virtuellement imprenable. Il connaissait mieux que personne les faiblesses à corriger pour en faire une forteresse absolue.

Ainsi, le système de bastions n’est pas une simple muraille, mais une machine de guerre géométrique conçue pour contrôler chaque parcelle de terrain et rendre toute offensive prohibitivement coûteuse. À Besançon, cette machine est magistralement intégrée au paysage pour en décupler l’efficacité.

Besançon ou Neuf-Brisach : quelle fortification représente le mieux l’œuvre de Vauban ?

La question est au cœur de la compréhension du génie de Vauban. Il n’existe pas une seule, mais plusieurs facettes de son talent. Le réseau des douze fortifications majeures classées par l’UNESCO vise justement à illustrer cette diversité. Comme le souligne le site officiel de la Citadelle, ces douze fortifications sont considérées comme les plus représentatives, authentiques et mieux conservées de son œuvre. Besançon et Neuf-Brisach représentent deux pôles, deux expressions extrêmes de son art.

Neuf-Brisach, en plaine d’Alsace, est le chef-d’œuvre théorique. C’est une ville-forteresse créée ex nihilo sur un terrain plat, un véritable exercice de style où Vauban a pu appliquer son troisième système dans sa forme la plus pure. Le plan octogonal est d’une symétrie parfaite, une incarnation de l’ordre rationnel et de l’idéal mathématique appliqué à la guerre. C’est le triomphe de l’architecte sur un environnement sans contrainte. En revanche, Besançon est le chef-d’œuvre de l’adaptation. Ici, le terrain n’est pas un support neutre, mais le protagoniste principal. Vauban doit composer avec un éperon rocheux, des dénivelés importants et une ville déjà existante à protéger. Le plan de la Citadelle n’est pas symétrique ; il est organique, épousant les courbes du relief pour en tirer le meilleur parti.

Juxtaposition visuelle montrant l'adaptation de Vauban au relief escarpé de Besançon versus la géométrie parfaite de Neuf-Brisach

Cette juxtaposition est fondamentale. Neuf-Brisach montre ce que Vauban pouvait faire sur une page blanche ; Besançon montre ce qu’il pouvait faire face à un défi naturel complexe. C’est cette seconde capacité, cette intelligence du lieu, qui est particulièrement mise en avant dans le classement UNESCO de Besançon. Le site démontre que le génie de Vauban ne résidait pas seulement dans la création de modèles, mais dans sa capacité à les transcender pour dialoguer avec la géographie.

L’erreur de toucher aux pierres qui fragilise ce patrimoine mondial

Inscrire un site sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO n’est pas une fin en soi, mais le début d’une responsabilité immense : celle de conserver et de transmettre. Une fortification du XVIIe siècle est un organisme vivant qui subit les outrages du temps. L’erreur serait de croire qu’une intervention, même bien intentionnée, est sans conséquence. Chaque pierre, chaque joint, fait partie d’un équilibre structurel et historique fragile. Une restauration agressive ou l’utilisation de matériaux inappropriés (comme le ciment moderne au lieu du mortier à la chaux) peut causer des dommages irréversibles, en bloquant l’humidité ou en créant des tensions dans la maçonnerie.

La préservation de la Citadelle est un travail d’orfèvre constant. Depuis son inscription à l’UNESCO en 2008, le programme de conservation a mobilisé 8 chantiers de restauration majeurs depuis 2007, supervisés par des Architectes en Chef des Monuments Historiques. Ces experts ne cherchent pas à reconstruire à l’identique, mais à consolider l’existant avec des techniques respectueuses. Le principe fondamental est la lisibilité de l’intervention : les ajouts contemporains doivent être discernables de l’original pour ne pas tromper le visiteur et l’historien futur. Il s’agit de soigner, non de maquiller.

Cette approche méticuleuse est la seule garante de la transmission de l’authenticité du site. Elle implique un dialogue constant entre les impératifs de sécurité, les normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et le respect scrupuleux de l’œuvre originale. C’est un défi permanent qui exige une expertise rare et un financement conséquent.

Feuille de route pour une restauration respectueuse du patrimoine UNESCO

  1. Diagnostic approfondi : Un Architecte en Chef des Monuments Historiques (ACMH) réalise une étude détaillée pour identifier les zones fragiles sans altérer la structure originale.
  2. Savoir-faire traditionnels : Utilisation de techniques artisanales d’époque (taille de pierre, maçonnerie à la chaux) pour assurer la compatibilité des matériaux et favoriser la transmission des savoir-faire.
  3. Principe de « lisibilité » : Application d’un marquage subtil mais identifiable qui permet de distinguer les interventions contemporaines des éléments d’origine.
  4. Sensibilisation et transmission : Organisation de chantiers de jeunes volontaires chaque été pour éduquer les nouvelles générations à la valeur et à la fragilité du patrimoine.
  5. Conciliation des normes : Intégration des exigences modernes (accessibilité PMR, sécurité) de manière réversible et la moins intrusive possible pour ne pas dénaturer l’authenticité du site.

Quels détails de maçonnerie prouvent l’adaptation au terrain rocheux ?

L’observation attentive des murs de la Citadelle révèle le dialogue permanent entre la construction humaine et la géologie. La preuve la plus éclatante du génie d’adaptation de Vauban ne se trouve pas dans les plans, mais dans la pierre elle-même. Le mont Saint-Étienne n’a pas seulement été le support de la forteresse, il en a aussi été la carrière principale. Cette approche pragmatique, signature de Vauban, consistait à utiliser les ressources locales pour minimiser les coûts et les temps de transport. Les pierres extraites pour creuser les fossés étaient immédiatement réutilisées pour élever les remparts.

Ce processus a créé une fusion visuelle et structurelle entre le rocher naturel et le mur construit. Par endroits, il est difficile de distinguer où finit la roche et où commence la maçonnerie. Les fondations des remparts ne sont pas linéaires ; elles suivent les anfractuosités de l’éperon rocheux, s’y ancrent profondément pour garantir une stabilité à toute épreuve. Cette symbiose est l’un des critères clés ayant justifié l’inscription à l’UNESCO pour sa « valeur universelle exceptionnelle ». C’est la matérialisation de l’intelligence stratégique qui transforme une contrainte en atout.

L’art de la défense étagée sculptée dans le roc

L’adaptation au relief n’est pas qu’esthétique, elle est avant tout fonctionnelle. Vauban a utilisé le dénivelé naturel du mont pour créer trois niveaux de feu distincts. Les fortifications sont étagées, permettant aux défenseurs de tirer depuis plusieurs hauteurs simultanément. Un attaquant devait non seulement faire face à des tirs croisés (flanquement), mais aussi à des tirs plongeants venant de niveaux supérieurs, augmentant de façon exponentielle la difficulté de toute progression.

Gros plan sur les marques d'outils de carriers dans la pierre calcaire de la Citadelle montrant les techniques de construction du XVIIe siècle

En s’approchant des murs, on peut encore apercevoir les traces d’outils des carriers du XVIIe siècle dans la pierre calcaire. Ces marques racontent l’histoire d’un chantier titanesque où chaque bloc était taillé pour s’ajuster parfaitement à son voisin et à la topographie. C’est dans ces détails que réside la preuve la plus tangible de l’adaptation magistrale de Vauban.

Quand suivre la visite guidée « Acteurs de la Citadelle » pour une immersion totale ?

Visiter la Citadelle est une expérience riche, mais pour en saisir toute la dimension historique et humaine, une visite guidée s’impose. La question n’est pas tant de savoir s’il faut en suivre une, mais de choisir le moment et le format les plus adaptés à ses attentes. L’affluence touristique est un facteur clé : la période estivale concentrant à elle seule une part massive des visiteurs, avec par exemple près de 165 000 visiteurs entre mai et septembre lors des années de forte affluence. Choisir son créneau permet de transformer sa visite.

La visite « Acteurs de la Citadelle » est particulièrement immersive, car elle ne se contente pas de décrire l’architecture ; elle redonne vie aux personnages qui ont foulé ces pierres : soldats, ingénieurs, prisonniers… Pour une immersion totale, le choix du moment est stratégique. Les matinées en basse saison (comme en octobre ou novembre) sont idéales pour les passionnés d’histoire. La foule est moindre, ce qui permet des échanges plus approfondis avec le guide et un temps de contemplation impossible en plein été.

À l’inverse, pour les familles, les après-midis d’été sont souvent synonymes d’animations théâtralisées qui captivent les plus jeunes. Voici quelques pistes pour optimiser votre expérience :

  • Pour les passionnés d’histoire : Visez les matinées en semaine, hors vacances scolaires (avril, mai, octobre). Vous profiterez d’un guide plus disponible pour répondre à vos questions pointues.
  • Pour les familles avec enfants : Privilégiez les après-midis durant les vacances d’été. Les visites théâtralisées et les escape games transforment l’apprentissage en aventure.
  • Pour les amateurs d’ambiances uniques : Les Journées du Patrimoine en septembre offrent l’accès à des lieux habituellement fermés et des animations spéciales. Les nouvelles visites nocturnes en été permettent de découvrir le site sous un autre jour et d’éviter les fortes chaleurs.
  • Pour le meilleur compromis : Le printemps (avril-mai) combine une météo souvent clémente avec une fréquentation encore modérée, offrant une expérience de visite équilibrée et personnalisée.

Pourquoi Vauban est-il un génie militaire fascinant pour les moins de 10 ans ?

Présenter un ingénieur militaire du XVIIe siècle à des enfants peut sembler un défi. Pourtant, la Citadelle de Besançon transforme cette histoire en une aventure passionnante. Le génie de Vauban devient fascinant pour les plus jeunes non pas à travers des explications techniques complexes, mais par la transformation spectaculaire des lieux. Un enfant comprend instinctivement le concept d’un lieu « de guerre » qui devient un lieu « de vie ». C’est une histoire puissante de réconciliation et d’intelligence.

L’exemple le plus parlant est celui des anciens espaces militaires reconvertis. Les fossés, autrefois conçus pour piéger les assaillants et résister aux tirs de canons, accueillent aujourd’hui le jardin zoologique et ses différents espaces. La menace du canon est remplacée par la curiosité de découvrir des animaux. Cette métamorphose est une leçon d’histoire vivante et tangible. L’enfant peut physiquement se tenir dans un lieu dont la fonction a radicalement changé, passant de la défense à la préservation de la biodiversité.

Du fossé au vivarium : une histoire que les enfants comprennent

La Citadelle abrite aujourd’hui trois musées de France et un Muséum complet. Les espaces animaliers (aquarium, insectarium, noctarium) sont installés dans les bâtiments et les zones mêmes qui servaient à la défense. Un enfant qui visite le noctarium dans une ancienne poudrière touche du doigt l’histoire. Cette réappropriation intelligente des espaces militaires en lieux de savoir et de découverte est au cœur de l’attrait du site pour les familles, qui représentent une part majeure des près de 300 000 visiteurs annuels.

L’histoire de Vauban devient alors celle d’un bâtisseur si talentueux que ses créations, conçues pour la guerre, sont suffisamment robustes et vastes pour accueillir, des siècles plus tard, la paix, la culture et la nature. C’est le récit d’un héritage qui a su se réinventer, une notion bien plus captivante qu’une simple leçon sur les bastions et les courtines.

Vauban vs Séré de Rivières : quelles différences visibles sur le terrain ?

Après la défaite de 1870 face à la Prusse, le système de défense français est entièrement repensé par le général Séré de Rivières. Bien que poursuivant le même but – protéger les frontières –, sa vision est radicalement différente de celle de Vauban, car la technologie de l’artillerie a évolué. Comprendre cette rupture permet de mieux apprécier l’œuvre de Vauban. Louis XIV voulait faire de Besançon « un des maillons essentiels du système de défense de l’Est de la France », une forteresse visible et intégrée à la ville. Séré de Rivières, lui, créera une ceinture de forts détachés, enterrés et discrets.

L’innovation majeure du XIXe siècle est l’obus explosif, qui rend les hautes murailles en pierre de Vauban obsolètes. Là où le boulet de canon de Vauban ricoche, l’obus de Séré de Rivières pénètre et explose, pulvérisant la maçonnerie. La nouvelle doctrine défensive est donc : s’enterrer pour résister. Les forts de Séré de Rivières, comme ceux qui entourent Besançon (Fort de Bregille, Fort de Planoise), sont bas, trapus, et utilisent massivement la terre et le béton pour absorber les chocs. Le tableau suivant synthétise les différences fondamentales visibles sur le terrain.

Comparaison des systèmes défensifs Vauban et Séré de Rivières
Caractéristique Fortifications Vauban (XVIIe siècle) Fortifications Séré de Rivières (XIXe siècle)
Protection contre Boulets de canon en fonte (ricochets) Obus explosifs (destruction)
Formes architecturales Bastions géométriques saillants, étoilés Forts polygonaux enterrés
Matériaux principaux Pierre taillée visible pour impressionner Béton et terre pour absorption des chocs
Localisation stratégique Intégrées aux villes (ex: Besançon) Extérieures créant des camps retranchés
Visibilité Conçues pour être vues et dissuader Conçues pour se cacher et résister

Visiter la Citadelle puis un fort Séré de Rivières à proximité est une leçon d’histoire militaire en plein air. On passe d’une architecture de la dissuasion et de l’ostentation, conçue pour être vue, à une architecture de la résistance et de la dissimulation, conçue pour endurer. La Citadelle est un joyau au sommet de sa colline ; les forts du XIXe siècle sont des tortues tapies dans le paysage.

Cette confrontation visuelle entre les deux systèmes défensifs met en lumière l'évolution radicale de l'art de la fortification en deux siècles, comme l’analyse cette source de l’académie de Besançon.

À retenir

  • La valeur UNESCO de la Citadelle de Besançon réside dans son génie d’adaptation au relief, un dialogue entre la roche et la pierre, la distinguant des plans idéaux comme Neuf-Brisach.
  • Son système défensif unique repose sur une défense étagée et trois fronts bastionnés successifs, une conception rendue possible par l’exploitation de la topographie.
  • L’héritage de Vauban dépasse le cadre militaire : il a façonné l’urbanisme de Besançon et son patrimoine est aujourd’hui un moteur culturel et économique majeur.

Comment lire l’héritage Vauban dans l’urbanisme actuel de Besançon ?

L’œuvre de Vauban à Besançon ne se limite pas aux murs de la Citadelle. Elle a profondément et durablement façonné le développement de la ville. Pendant près de deux siècles, la présence des fortifications et de leurs zones de servitude militaire (les terrains dégagés devant les remparts où toute construction était interdite) a contraint l’expansion urbaine. La ville, enserrée dans sa boucle et son corset de pierre, n’a pu s’étendre. Cette contrainte a forgé l’identité des quartiers historiques comme Battant, denses et compacts, et a dicté l’explosion urbaine bien plus tardive vers des zones comme Planoise.

Aujourd’hui, l’héritage de Vauban est lisible à ciel ouvert pour qui sait où regarder. Les anciennes zones de tir non constructibles sont devenues des espaces de respiration et de loisirs. La promenade Chamars, par exemple, est un parc aménagé sur d’anciennes zones inondables qui faisaient partie du système défensif. La toponymie, la mémoire des noms de lieux, conserve également cette empreinte : la « Rue des Remparts » ou l’ « Avenue de la Gare d’Eau » (qui rappelle l’ancien port militaire) sont des échos directs de la fonction passée de ces secteurs.

L’empreinte urbaine de Vauban : de la contrainte à l’atout

L’héritage de Vauban se lit dans le contraste frappant entre la vieille ville, contenue par les remparts, et les quartiers modernes qui ont poussé au-delà. La Citadelle, en verrouillant un côté de la boucle du Doubs, a orienté tout le développement futur de la cité. Cet héritage n’est pas une relique figée ; il est devenu un atout touristique et économique majeur. L’attractivité du patrimoine, avec la Citadelle comme figure de proue, se mesure concrètement : la taxe de séjour collectée témoigne de ce dynamisme, avec par exemple plus de 803 404€ de taxe de séjour collectée en 2024.

Lire la ville de Besançon, c’est donc aussi lire l’œuvre de Vauban. Ses fortifications ne sont pas seulement un objet posé sur la ville, mais la matrice qui a organisé son espace, ses flux et son identité pendant des siècles, une influence qui perdure encore aujourd’hui.

En comprenant les subtilités de son architecture et l’étendue de son influence, chaque visiteur peut désormais décrypter par lui-même la valeur universelle de la Citadelle. L’étape suivante est de vous y rendre et d’appliquer ce nouveau regard pour identifier sur le terrain les preuves du génie d’adaptation de Vauban.

Rédigé par Jean-Marc Vuillemin, Historien de l'art et guide-conférencier agréé par le Ministère de la Culture, spécialiste du patrimoine militaire de l'Est de la France. Avec 20 ans d'expérience à la Citadelle de Besançon, il maîtrise l'œuvre de Vauban et l'histoire du Comté de Montbéliard sur le bout des doigts.